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heureux. Ouy, divine Princeſſe, ſi le malheureux Spitridate trouve quelque place en voſtre cœur, & que vous ayez la bonté de l’aſſurer de la luy conſerver touſjours, il ne ſe pleindra jamais d’aucun malheur qui luy arrive, Toutes les diſgraces de ſa Maiſon ſeront effacées de ſa memoire : toutes les ſiennes particulieres, ne l’affligeront plus avec excés : & la ſeule penſée d’eſtre dans le cœur de l’adorable Araminte, enchantera toutes ſes douleurs, & luy en oſtera le ſentiment. J’ay sçeu Madame, depuis que je ſuis icy, adjouſta t’il, que le Prince Sinneſis vous a priée en mourant, & priée devant tout le monde, d’avoir quelque affection pour moy : c’eſt Madame, ce qui me fait plus hardy : & ce qui m’oblige à vous conjurer, de ne refuſer pas cette grace à un Prince, qui ne vous auroit jamais rien refuſé. Ainſi, Madame, ne me dites point s’il vous plaiſt, que le Roy qui regne aujourd’huy ne m’aimant pas, vous ne devez point ſouffrir que je vous aime : Je ſuis pourtant ſa Sœur & ſa Sujette, interrompit la Princeſſe ; vous eſtiez auſſi l’une & l’autre du Prince Sinneſis quand il eſt mort, reprit il, & le Roy qui va regner, n’ayant pris la Couronne que de ſa main, ne doit pas s’il eſt juſte, vous obliger à manquer de ſuivre ſes derniers volontez : puis qu’en fin il eſtoit ſon Roy, comme il eſt à preſent le voſtre. Ha Spitridate, s’écria t’elle, que les intentions d’un Roy mort ſon mal executées, en comparaiſon des commandemens d’un Roy vivant ! un Regne de ſept jours, reprit elle ; & de ſept jours encore ou la mort regnoit deſja ſur ce Prince, ne ſera pas conté par ſon ſuccesseur : pourveû qu’il le ſoit par vous, reſpondit Spitridate, ce ſera touſjours beaucoup. Ouy, repliqua