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auroit ancore irrité Arſamone par ſa fuitte, & qu’il irriteroit encore eſtrangement le Roy de Pont, s’il venoit à sçavoir qu’il fuſt déguiſé dans Heraclée, elle trouvoit avoir lieu de s’affliger. De ſorte que pour eſviter ce malheur, elle voyoit qu’il faloit obliger Spitridate à en ſortir bientoſt, ſans sçavoir en quel lieu de la Terre ce Prince infortuné pourroit trouver un Azile. Cependant la choſe n’avoit point de remede : car elle ne pouvoit ignorer, que le Roy de Pont n’aimant pas Spitridate, & aimant Pharnace comme il faiſoit, ne vouluſt l’obliger à l’eſpouser. Elle sçavoit auſſi que ce Prince n’avoit jamais aprouvé la Politique de feu Roy ſon Pere, qui avoit voulu faire une double alliance avec Arſamone : & qu’au contraire, il avoit ſouvent dit, qu’il eſtoit bien plus certain de s’aſſurer la poſſession du Royaume de Bithinie, en deſtruisant ceux qui y pretendoient, qu’en les élevant & en les flattant : Ainſi elle ne voyoit de tous les coſtez, que des malheurs pour Spitridate. C’eſtoit en vain que je luy diſois, que quand il plaiſoit : aux Dieux, ils changeoient le cœur de tous les hommes : car quelque confiance qu’elle euſt en eux, elle n’en pouvoit attendre une choſe, où il y avoit ſi peu d’apparence. Le lendemain au matin il vint nouvelle que le Roy ne vouloit pas que l’on sçeuſt preciſément le jour qu’il arriveroit : mais qu’enfin il eſtoit aſſuré qu’au plus tard ce ſeroit dans quatre ou cinq jours. La Princeſſe voyant donc qu’il y avoit ſi peu de temps à ſe determiner, & qu’il ſeroit tres dangeureux d’attendre à revoir Spitridate, que ce Prince fuſt revenu : m’ordonna de luy parler, & de taſcher de le faire reſoudre à partir ſans la voir. Mais il ne me fut pas poſſible : joint qu’à dire la verité, je