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pas autant qu’elle feroit, ſi le Prince mon Frere eſtoit encore vivant. Cependant dittes moy je vous en conjure, par quelle voye la colere d’Arſamone a eſté appaiſé : elle ne l’a point eſté, Madame, repliqua t’il, & je l’auray ſans doute encore extrémement irrité par ma fuite. Quoy, luy dit elle, ce n’eſt pas de ſon conſentement que vous eſtes ſorty de priſon ? Nullement, reprit il, & la Princeſſe Ariſtée ma Sœur, eſt celle à qui j’ay l’obligation de ma liberté. Car apres que l’on m’eut mené de Chalcedoine à Chriſopolis, elle remarqua que le lieu où l’on me mit, n’eſtoit pas ſi inacceſſible que celuy où j’avois eſté auparavant : de ſorte que dés les premiers jours que j’y fus, ne voulant pas donner loiſir au Prince mon Pere de s’en apercevoir, elle gagna trois de mes Gardes : qui par une feneſtre qui n’eſtoit point grillé, & qui donnoit dans le foſſé du Chaſteau, me firent ſauver, & me menerent déguiſé dans une Maiſon de la Ville où je fus trois jours. En ſuitte de quoy, comme nous ne sçavions encore que la nouvelle de la mort du Roy voſtre Pere, qui comme vous sçavez, a precedé celle du Prince Sinneſis ; ma Sœur me conſeilla elle meſme de venir trouver ce Prince, qu’elle croyoit alors eſtre Roy : & elle eut la bonté de me donner la plus grande partie de ſes Pierreries pour la commodité de mon voyage. En chemin j’ay apris la ſeconde perte que vous avez faite, & que j’ay faite auſſi bien que vous : Mais quoy que j’aye bien jugé, qu’il ne ſeroit pas trop ſeur pour moy de venir icy, puis que le Prince Aryande eſt Roy, & y doit bien toſt eſtre : je n’ay pû touteſfois me reſoudre à me priver de la conſolation de venir à vos pieds, Madame, vous demander ce qu’il vous plaiſt que je faſſe : &