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eut alors un ſi juſte fondement, que perſonne ne trouvoit plus eſtrange qu’elle le traitaſt avec une extréme froideur. Cependant la nouvelle de la concluſion du Traité de Paix, pour le quel le Prine Aryande eſtoit en oſtage, eſtant arrivée à Heraclée, & le Prince Sinneſis sçachant de certitude qu’il n’eſpouseroit point la Princeſſe Ariſtée, en fut ſi ſensiblement affligé, que la fiévre luy en prit : & en quatre jours il fut à l’extremité. Le Roy ſon Pere aprenant la grandeur de ſon mal, & n’en ignorant pas la cauſe, en conçeut une douleur meſlée de deſpit ſi exceſſive, qu’il en mourut ſubitement : ſept jours apres, le Prince Sinneſis quitta la Couronne, dont il ne gouſta pas les douceurs : & il mourut en priant la Princeſſe ſa Sœur d’aimer touſjours Spitridate, & de proteger Ariſtée. le vous laiſſe à juger en quel déplorable eſtat demeura la Princeſſe Araminte, qui avoit ſans doute pour le Roy ſon Pere toute la tendreſſe qu’une perſonne bien née doit avoir : mais qui avoit encore pour le Prince Sinneſis ſon Frere, une amitié la plus force du monde, Car outre qu’elle eſtoit ſa Sœur, il eſtoit aimable, quoy qu’il fuſt d’un naturel un peu violent : de plus il l’aimoit beaucoup, & avoit une affection tres tendre pour Spitridate : de ſorte qu’elle perdoit en la perſonne de ce Prince, un Frere, un Amy, & un Protecteur de ſon Amant. Auſſi ſentit elle cette perte d’une eſtrange façon. : la douleur l’accabla ſi fort, qu’elle fut plus de trois jours ſans ſe pouvoir plaindre : tant le ſaisissement de ſou cœur eſtoit grand. Pharnace n’en eſtoit pas ſi affligé : car sçachant l’amitié que le Prince Aryande avoit touſjours euë pour luy, il s’imaginoit qu’eſtant Roy, il luy ſeroit plus aiſé d’obliger la Princeſſe