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luy demander, s’il avoit envoyé advertir le Roy de cét accident ; s’il avoit fait ſuivre Arſamone ; & quel ordre il avoit donné à toutes choſes : mais ne sçachant elle meſme que ſouhaitter que l’on fiſt, elle ſe taiſoit, & ſouffroit ſon mal ſans ſe pleindre. Touteſfois ſa curioſité fut bien toſt ſatisfaite, ſans qu’elle euſt la peine de rien demander : car ce Prince luy apprit de luy meſme qu’il avoit envoyé vers le Roy : commandé deux Vaiſſeaux pour ſuivre Arſamone, dans un deſquels Pharnace s’eſtoit embarqué. Cette nouvelle fit rougir la Princeſſe : parce qu’elle creut bien que ſi ces Vaiſſeaux pouvoient joindre Arſamone, il y auroit combat, puis que Pharnace y eſtoit. Neantmoins diſſimulant le mieux qu’elle pût, elle dit ſeulement au Prince Sinneſis, que ſelon ſon ſens, Arſamone tout ſeul avoit conduit & executé ce deſſein : en ſuite de quoy ce Prince emporté par ſon in quietude, & ne sçachant pas trop bi ? ni pourquoy il quittoit la Princeſſe ; ni où il vouloit aller ; ſortit de ſa chambre, & la laiſſa dans la liberté de ſe pleindre. Et bien Heſionide, me dit elle lors que j’aprochay de ſon lit, que penſez vous de Spitridate, & que croyez vous que j’en doive penſer ? Madame, luy dis-je, j’ay une ſi forte diſposition à expliquer toutes choſes à l’avantage de ce Prince, que je m’imagine qu’il n’a fait ce qu’il n’a pû s’empeſcher de faire. Si cela eſt, dit la Princeſſe en ſoupirant, il eſt bien malheureux : mais ſi cela n’eſt pas, il eſt bien coupable. Car s’il avoit quelque deſſein caché, & que les juſtes pretenſions que le Prince ſon Pere a ſur la Bithinie, ne puſſent pas ſouffrir qu’il peuſt eſtre content de ſa fortune, pourquoy me teſmoigner une affection particuliere ? & pourquoy engager mon cœur malgré