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vous dis ſans reſistance, puis que je ſuis en pouvoir de me faire obeïr par force. Spitridate entendant parler le Prince ſon Pere de cette ſorte, & voyant en effet que quand il euſt voulu n’obeïr pas on l’y euſt contraint, ne voyant pas un de ſes Gens aupres de luy : il donna la main à la ſage Arbiane, qui le conjura tout bas de n’éclater point : & qui luy proteſta, comme il eſtoit vray, qu’elle ne sçavoit rien des deſſeins d’Arſamone. Cependant apres avoir donné les ordres neceſſaires à toutes choſes, ce Prince accompagné de ceux des ſiens qu’il avoit choiſis pour cela, deſcendit par un Eſcalier dérobé dans les Jardins de ſon Palais, ſuivy d’Arbiane, de Spitridate, d’Ariſtée toute en larmes auſſi bien que la Princeſſe ſa Mere, & du jeune Prince Euriclide. Au ſortir du Jardin, qui reſpondoit tout contre une des Portes de la Ville qui donnoit vers la Mer, & dont il avoit gagné le Portier : ils trouverent une Chaloupe, où il fit entrer tout ſon monde, & dans laquelle il entra le dernier, apres y avoir pouſſe Spitridate de ſa propre main : qui fut un inſtant arreſté ſur le bord, comme s’il euſt deliberé en luy meſme s’il enteroit ou s’il n’entreroit pas, quoy qu’il tinſt la Princeſſe Arbiane. A peine fut il dedans, qu’Arſamone commanda que l’on ramaſt en diligence, juſques à ce que l’on euſt double le Cap de la Peninſule, nommée Acheruſiade : comme il avoit fait payer magnifiquement les Mariniers, ils fendirent les vagues avec tant de viteſſe, qu’en moins d’une heure il arriva à une Cale, où l’on dit qu’Hercule deſcendit pour combatre ce terrible Monſtre, dont la deffaite luy acquit une ſi grande reputation en ce Païs là. Je vous laiſſe à juger, Seigneur, en quel eſtat eſtoit alors Spitridate : qui ſans rien sçavoir