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engager l’ame de la Princeſſe Araminte. Cette converſation fut longue, bien qu’elle leur paruſt courte, parce qu’elle eſtoit agreable : & il eſtoit deſja aſſez tard, quand Spitridate ſortit de chez la Princeſſe. Il fut ſouper apres cela chez le Prince Sinneſis, & il ne ſe retira qu’à my-nuit : mais à peine eſtoit il dans ſa Chambre, qu’on luy vint dire que le Prince Arſamone luy ordonnoit de l’aller trouver.

En allant de ſon Apartement au ſien pour luy obeïr, il remarqua bien qu’il y avoit quelque empreſſement extraordinaire parmy les Officiers de la Maiſon du Prince ſon Pere : touteſfois comme il n’avoit l’imagination remplie que de la Princeſſe Araminte, il creut ſeulement qu’Arſamone luy vouloit ſimplement dire qu’il n’y faloit plus ſonger : & il ne fit pas grande reflexion ſur ce qu’il voyoit. Lors qu’il entra dans la Chambre d’Arſamone, il y trouva la Princeſſe Arbiane, le jeune Prince Euriclide ſon Frere, & la Princeſſe Ariſtée : mais cette veuë augmenta d’autant plus ſa crainte, qu’il vit beaucoup de melancolie ſur le viſage de ces deux Princeſſes. Comme il fut arrivé juſques aupres du Prince ſon Pere, Spitridate, luy dit Arſamone, nous devons eſtre las de porter des fers, & le temps eſt venu qu’il les faut rompre : c’eſt pourquoy donnez la main à la Princeſſe voſtre Mere, & ſuivez moy ſans repugnance & ſans murmurer : car il y va de la Grandeur de ma Maiſon ; de ma propre gloire & de la voſtre ; & de plus de ma propre vie. Puis que je vous dois la mienne, repliqua Spitridate tres affligé, je ne ſuis pas en droit ny en volonté de vous deſobeïr : Mais Seigneur, oſeray-je vous demander quel eſt voſtre deſſein ? Vous le sçaurez bientoſt, repliqua bruſquement Arſamone, & cependant faites ce que je