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que j’en eus fut ſi grande, que je ne la pus renfermer dans mon cœur. Je la fis sçavoir au Prince Sinneſis, à la Princeſſe Araminte ; & meſme a Spitridate : mais j’advouë que je fus un peu ſurprise ; de voir que ce Prince n’en eut pas toute la joye que je croyois qu’il en deuſt avoir : & ſans me bien expliquer ſes ſentimens, il me ſembloit qu’il euſt bien voulu m’empeſcher de parler à la Princeſſe ſa Mere : touteſfois comme l’ordre que j’avois reçeu eſtoit preſſant, je le laiſſay dans la Chambre de la Princeſſe Araminte : & ayant trouvé en bas un Chariot tout preſt, je fus chez la Princeſſe Arbiane, que j’eus le bon heur de trouver ſeule dans ſon Cabinet. Mais ſi j’avois eſté ſurprise de la melancolie de Spitridate, je confeſſe que je le fus bien davantage de l’embarras que je remarquay dans l’eſprit d’Arbiane. Comme j’avois beaucoup d’amitié pour elle, & qu’elle en avoit auſſi aſſez pour moy, je la ſuppliay de vouloir s’expliquer un peu plus clairement qu’elle ne faiſoit : cependant quoy qu’elle sçeuſt qu’eſtant originaire de Bithinie comme j’eſtois, les intereſts de ſa Maiſon me fuſſent tres chers, neantmoins elle ne voulut pas s’ouvrir à moy : & elle me dit ſeulement avec aſſez de froideur, qu’elle ne manqueroit point de parler au Prince ſon Mary : & qu’elle me rendroit reſponse douant le retour du Roy : qui eſtoit allé à une Ville de Pont, nommée Cabira, ſans y mener ny les Princes ny la Princeſſe ſa Fille. Nous avons sçeu depuis, que je n’eus pas pluſtost quitté Arbiane, qu’elle fut trouver Arſamone, pour luy dire que le Roy ſouhaitoit de faire une double alliance aveques luy : & qu’il faloit qu’il ſe preparaſt a reſpondre à cette propoſition, devant le retour du Roy. Auſſi feray-je, luy dit il ſans s’expliquer