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alla avec ſatisfaction : parce que la Princeſſe Ariſtée eut aſſez de complaiſance pour ſon Frere, pour ne le maltraitter pas en le voyant partir. le ne m’amuſeray point non plus à vous raconter cette guerre, qui ne dura que ſix mois, & qui ſe termina en ſuitte par une heureuſe paix : mais je vous diray ſeulement, que Spitridate s’y ſignala de telle ſorte, que le bruit de ſa valeur eſtouffa celuy que fit celle des autres : quoy que le Prince Sinneſis, & Pharnace, y fiſſent auſſi des miracles. En effet, l’on ne parloit que de luy, & dans l’Armée, & dans la Cour : vous pouvez donc juger aiſément que revenant tout chargé de gloire, il fut bien reçeu de la Princeſſe. J’oubliois de vous di re, qu’Artane ne fut point à cette guerre : ce n’eſt pas que lors que l’on en parla, il ne fiſt plus l’empreſſé que les plus braves ne le faiſoient : & qu’il ne fiſt faire un equipage le plus ſuperbe du mon de. Je me ſouviens meſme que l’on ne parloit que de la magnificence de ſes Tentes, que nous fuſmes voir ; que de la richeſſe de ſes Armes : & que de la beauté de ſes habillemens. Toutefois quand il falut partir, il tomba malade à point nommé, & ne partit pas, quoy que tout ſon Train fuſt deſja party. L’on ne ſoubçonna touteſfois encore rien de ſa laſcheté en ce temps là : car il fit tellement le deſesperé, en parlant à ceux qui luy alloient dire adieu, qu’il les obligea à le pleindre, & non pas à l’accuſer. Cependant il guerit peu de jours apres : & agit ſi adroitement, que ſans parler jamais de ſa paſſion à la Princeſſe, & ſans rien faire qui luy peuſt donner un juſte ſujet de pleinte, il luy donna pourtant ſujet de croire que c’eſtoit ſeulement pour l’amour d’elle qu’il n’alloit point à l’Armée, & qu’il ſe mettoit en danger