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d’une Maiſon que tous les Rois de Pont, en bonne Politique, eſtoient obligez d’abaiſſer autant qu’ils pourroient. De ſorte que cela eſtant ainſi, il eſtoit aiſé de voir, que Pharnace ſeul eſtoit celuy ſur qui elle devoit jetter les yeux. La Princeſſe le remercia tres civilement de ce qu’il luy diſoit : & luy reſpondit qu’elle vivroit également avec tous ceux de la condition de Pharnace qui l’approchoient : & que ſans s’en meſler ny peu ny point, elle laiſſeroit touſjours la conduite de ſa vie au Roy ſon Pere. Cependant la Princeſſe Araminte pour tenir ſa parole au Prince Sinneſis, vit la Princeſſe Ariſtée, qui agit de la façon qu’elle l’avoit pro mis à Spitridate : de ſorte que Sinneſis la trouvant en effet un peu plus douce qu’à l’ordinaire, en remercia ſi tendrement ce Prince ; & parla ſi officieuſement pour luy à la Princeſſe ſa Sœur ; qu’il l’obligea enfin à agir envers Spitridate avec beaucoup coup de franchiſe & de bonté. Le Prince Sinneſis meſme, me fit la grace de m’en parler & de me prier de porter la Princeſſe ſa Sœur à bien traitter ce Prince. Voila donc Spitridate en aparence le plus heureux du monde : car il eſtoit hautement protegé du Frere de ſa Princeſſe : il avoit la liberté de parler de ſa paſſion, à celle qui l’avoit fait naiſtre, ſans qu’elle s’en offençaſt : & comme il eſtoit touſjours tres reſpectueux, il avoit auſſi le plaiſir de remarquer par diverſes petites choſes, qu’il n’eſtoit pas mal dans ſou cœur. Cependant je m’eſtonnois quelqueſfois, de voir dans ſes yeux quelques marques de melancolie : & de l’entendre ſoupirer aſſez ſouvent. Neantmoins comme j’avois touſjours oüy dépeindre l’amour une paſſion fort bizarre, je regarday cela comme un de ſes