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n’en crois que ce j’en croyois auparavant que le Prince mon Frere m’en euſt parlé. C’eſt pourquoy demeurons, s’il vous plaiſt, vous & moy dans les termes où nous en eſtions : & ſongeons ſeulement à le ſervir aupres de la belle Ariſtée, que je ſeray ravie de voir bien toſt au rang où ſon merite veut qu’elle ſoit. Ha, Madame, s’écria Spitridate, ne me traitez pas ſi cruellement ! & ne rendez pas inutiles les promeſſes que le Prince Sinneſis m’a faites. Et que vous a t’il promis ? repliqua t’elle ; il m’a fait eſperer, reſpondit il, que vous m’eſcouteriez favorablement : s’il eſt encore demain de cette opinion, reprit elle, je verray ce que j’auray à faire : cependant il eſt tard, & je vous conſeille de vous retirer avec le deſſein de ſervir le Prince mon Frere, aupres de l’aimable Ariſtée : ſans autre intereſt que celuy de luy rendre office. En diſant cela elle ſe leva : & Spitridate fut contraint de la quitter ſans luy reſpondre. Apres que ce Prince fut party elle m’apella : mais quoy qu’elle me paruſt reſveuse, il ne me ſembla pourtant pas qu’elle fuſt fort melancolique. Et à dire les choſes comme elles ſont, je croy qu’eſtimant beaucoup Spitridate, elle ne fut pas faſchée, apres y avoir bien penſé, de pouvoir avec bienſeance, & ſans choquer la modeſtie, ſouffrir qu’il luy donnaſt quelques marques de ſon amour, comme elle le pouvoit, apres ce que le Prince Sinneſis luy avoit dit. J’advouë auſſi que lors que la Princeſſe m’eut appris ce qui luy eſtoit arrivé, je fus ravie de voir un ſi heureux commencement au deſſein que ma Mere avoit d’executer les dernieres volontez de la Reine de Pont : qui luy avoit tant recommandé en mourant, de faire naiſtre autant d’amitié qu’elle pourroit, entres ces jeunes Perſonnes.