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à toute la Cour, quoy qu’ils en vouluſſent faire un ſecret. Ce n’eſt pas qu’ils ne fuſſent tous deux de la premiere condition du Royaume : & que hors que la Princeſſe eſpousast un Roy eſtranger, ou Spitridate, ils ne peuſſent lever les yeux juſques à elle. Mais c’eſt que de ſa nature l’Amour eſt miſterieux : & que de plus l’air dont cette jeune Princeſſe vivoit, leur donnoit quelque crainte de ſe deſcouvrir. Ils eſtoient donc tres aſſidus aupres d’elle : touteſfois ils y eſtoient ſe reſpectueux, qu’elle ne pouvoit trouver rien à dire à leur procedé. Comme en ce temps là Artane eſtoit encore fort jeune, ſa laſcheté n’eſtoit pas encore deſcouverte : & comme il avoit de l’eſprit, & qu’il n’eſtoit pas mal fait, on l’eſtimoit aſſez, & on le recevoit dans les Compagnies, comme un homme de ſa condition devoit l’eſtre. Pour Pharnace, Seigneur, je ne vous diray point qu’il eſtoit brave, puis que la derniere action de ſa vie vous l’a aſſez fait connoiſtre : mais je vous diray que c’eſtoit un de ces veritables Braves, qui gardent toute leur fierté pour leurs ennemis, & qui n’en ont jamais dans leur converſation ordinaire. Il eſtoit ſage & modeſte : & quoy qu’il parlaſt peu, il avoit pourtant l’eſprit agreable ; parce que ce qu’il diſoit eſtoit ſe juſte & ſe bien penſé, qu’il ne laiſſoit pas donner beau coup de plaiſir à ceux qu’il entretenoit. Auſſi eſtoit il fort eſtimé, & des Princes, & des Princeſſes : mais entre les autres, le Roy de Pont d’aujourd’huy, qui n’eſtoit en ce temps là que le Prince Aryande, l’aimoit tendrement.

Voila donc, Seigneur, où en eſtoient les choſes : la Princeſſe Araminte eſtoit aimée de Spitridate, de Pharnace, & d’Artane : le Prince Sinneſis aimoit la Princeſſe Ariſtée, & aimoit auſſi