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que du moins vous en ſoubçonniez quelque choſe. Je vous advouë que l’embarras de cette jeune Princeſſe, & la colere que je luy voyois, me donnerent quelque envie de rire, que je retins neantmoins de peur de l’irriter : & apres l’avoir ſuppliée de me dire quelle avoit eſté leur converſation, & qu’elle s’en fut excuſée pluſieurs fois, enfin m’accordant ce que je voulois, imaginez vous, dit elle, que la Princeſſe Arbiane n’a pas pluſtost commencé de parler aveques vous, qu’impatiente de sçavoir ce qui affligeoit Spitridate ; Vous eſtes ſi changé, luy ay-je dit, depuis quelque temps, que tous vos Amis en ſont en peine ; & ne peuvent imaginer la cauſe de voſtre chagrin, Je ne pretens pas auſſi qu’ils la devinent, m’a t’il reſpondu, & il n’y a perſonne au monde à qui je la veüille dire. Quoy, luy ay-je repliqué, vous avez un deſplaisir que vous ne voulez point que l’on sçache ! Vous ne voules donc pas que l’on vous en pleigne, ny que l’on vous en ſoulage. Je voudrois bi ? le premier, m’a t’il reſpondu, mais je n’oſe vouloir le ſecond. Et le moyen, luy ay-je dit, que ny l’un ny l’autre puiſſe eſtre, ſi l’on ne sçait point que vous ſouffrez ? Ne me dittes vous pas, m’a t’il reſpondu, que tous mes Amis ſont en peine de ma melancolie ? & ſe cela eſt, ne peuvent ils pas me pleindre, ſans sçavoir la cauſe de mon mal ? Non pas moy, luy ay-je dit, car peut eſtre vous eſtimeriez vous malheureux de certaines choſes, dont je ne vous pleindrois point du tout. Et quels ſeroient ces maux, m’a t’il demandé en ſoupirant, pour leſquels la Princeſſe Araminte n’auroit point de compaſſion ? Si vous eſtiez envieux de la gloire d’autruy, luy ay-je dit, & que cela vous tourmentaſt, je ne vous en pleindrois pas. Mais ſi j’en eſtois