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aux Princeſſes qu’ils adoroient, ſans s’eſtre aperçeus qu’ils eſtoient amoureux, & ſans qu’elles s’en fuſſent aperçeuës non plus que ces jeunes Princes. Mais enfin la Princeſſe Araminte eſtant dans ſa quatorzieſme année, & le Prince Spitridate en ayant ſeize, il commença de s’apercevoir de la paſſion qu’il avoit dans l’ame : cette joye qu’il avoit accouſtumé d’avoir lors qu’il voyoit la Princeſſe, devint plus moderée : & quoy qu’elle euſt toujours pour luy la meſme civilité qu’elle avoit accouſtumé d’avoir, il n’eſtoit pour tant plus ſe ſatisfait : & ſon cœur formoit des deſirs malgré luy, qu’il ne connoiſſoit pas luy meſme : de ſorte que ſans sçavoir bien preciſément ce qui manquoit à ſon bonheur, il devint fort melancolique. Comme la Princeſſe Araminte J’eſtimoit beaucoup, & qu’il luy plaiſoit plus que tout ce qu’elle voyoit à la Cour, elle s’en aperçeut la premiere : & me demanda ſe je ne sçavois point d’où venoit le changement d’humeur du Prince Spitridate : & comme je luy eus reſpondu que non, elle me dit qu’elle en eſtoit en peine, & qu’elle vouloir donc le luy demander à luy meſme. Madame, luy dis-je en ſous-riant, il n’eſt pas touſjours à propos d’eſtre ſi curieuſe : que sçavez vous ſe le Prince Spitridate veut que l’on sçache la cauſe de ſa melancolie ? & pourquoy la voudroit il cacher, me reſpondit elle, à une perſonne qui ne la veut aprendre que pour le pleindre du moins, ſe elle ne le peut ſervir ? Il la cache peut-eſtre, luy dis-je en riant, parce que luy meſme ne la sçait pas : ha Heſionide, me dit elle, Spitridate eſt trop raiſonnable pour eſtre chagrin ſans ſujet : & ſi je penſois que cela fuſt, je luy en ferois bien la guerre : mais je ne le crois point du tout. Comme j’