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il me connoiſt, il ne craindra pas que je mal-traitte la Princeſſe ſa Sœur, quoy qu’il ne me rende pas Mandane : & il sçait trop que je ne ſuis pas capable de faire jamais une action ſe laſche, ſe injuſte, & ſe cruelle : ainſi ſans rien hazarder, il gardera ma Princeſſe. Mais Seigneur, dit Feraulas, eſtes vous bien aſſuré que cette belle Perſonne ſoit la Princeſſe de Pont ? Ouy, repliqua t’il, & preſentement que je rapelle en ma memoire un Portrait que la femme d’Arſamone m’en fit monſtrer, par la Princeſſe ſa fille, afin de connoiſtre ſi j’eſtois Spitridate, ou ſe je ne l’eſtois pas ; je voy bien que c’eſt effectivement elle ; car cette Peinture luy reſſembloit extremement. Mais ſe cela eſt, reprit Feraulas, je m’eſtonne qu’elle ne vous a auſſi bien pris pour Spitridate, que ces autres Princeſſes de Bithinie : C’eſt ſans doute, repliqua Cyrus, que le Roy ſon frere luy aura parié de cette prodigieuſe reſſemblance, que l’on dit eſtre entre luy & moy. Quoy qu’il en ſoit Feraulas, ce n’eſt pas de ſemblables choſes que je me dois entretenir, & que vous me devez parler : & Mandane, la ſeule Mandane, doit eſtre l’objet de toutes mes penſées, & le ſujet de toutes mes converſations. Encore ſe je sçavois preciſément où elle eſt, j’aurois l’ame en quelque repos : car quand elle ſeroit dans Artaxate, ſans attendre l’arrivée de Ciaxare, j’entreprendrois de la delivrer. Vous le pour riez ſans doute, repliqua Feraulas ; car apres ce que nous venons de voir, l’on peut dire que ſi vous ne forcez pas cette Ville, c’eſt que vous ne l’aurez pas voulu forcer : & ſes Habitans devroient vous rendre grace de tous les maux que vous ne leur ferez pas, parce que vous les leur aurez pû faire. Apres avoir encore parlé quelque temps,