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dans la Riviere qui paſſe en ce lieu là, & s’y noyent miſerablement. Quelques uns taſchent de ſe deffendre encore à ce Pont : mais comme la valeur de Cyrus ne s’arreſtoit jamais qu’apres la victoire, il les pourſuit ; il les force ; il tuë tout ce qui luy reſiste, & pardonne à tout ce qui luy cede. Celuy qui commandoit les gens de guerre qui eſtoient en ce lieu là, & qui eſtoit un homme de cœur, y fut tué de divers coups, n’ayant pas voulu demander quartier : & des trois mille hommes que l’on avoit mis dans ce Bourg, il en échapa fort peu qui ne fuſſent ou bleſſez ou priſonniers. Bien eſt il vray que du coſté de Cyrus, le Prince Artibie, qui ce jour là combatoit comme Volontaire, y reçeut deux bleſſures mortelles, ce qui affligea extraordinairement Cyrus. Cependant ceux du Chaſteau ne voyant pas qu’ils fuſſent en eſtat de tenir contre de ſi vaillans Ennemis : & la Princeſſe qui eſtoit dedans, leur pro mettant de grandes recompenſes, s’ils ſe rendoient à cét invincible Conquerant ; ils firent ſigne qu’ils vouloient parlementer : ce qui donna une joye ſi grande à ce Prince, par l’eſperance de revoir bien toſt ſa chere Mandane, qu’il n’en avoit jamais eu de plus ſensible. Il s’eſtonnoit touteſfois eſtrangement, de voir que le Roy de Pont qu’il sçavoit eſtre ſi vaillant & ſe brave, ne paroiſſoit point : D’où vient, diſoit il en luy meſme, qu’en une occaſion comme celle cy, je ne le voy pas les armes à la main ? s’il ſouvient de quelques bons offices que je luy ay rendus, que ne me rend t’il ma Princeſſe ? Et s’il ne s’en veut pas ſouvenir, que ne me vient il combattre ? Aſſurément diſoit il encore, il faut ou qu’il ſoit mort, ou que quelque bizarre Politique que je ne comprens