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voulu me laiſſer entrer au Chaſteau où elle eſt : & je n’ay pû rien apprendre du Roy de Pont. Il n’en faut point douter, dit Cyrus, c’eſt aſſurément la Princeſſe Mandane que vous avez veuë : & les viſites du Prince Phraarte en ſont une preuve infaillible. Mais, pourſuivit il, Araſpe, ce Prince eſt il auſſi bien fait, que le Prince Tigrane ſon frere ? je n’en sçay rien Seigneur (repliqua t’il en ſous-riant, comme eſtant accouſtumé de vivre avec beaucoup de liberté aupres de Cyrus) car je n’ay jamais eu l’honneur de voir le Prince Tigrane : mais je sçay bien que Phraarte n’eſt pas ſi bien fait que l’illuſtre Artamene. Cyrus ſousrit du diſcours d’Araſpe : & l’embraſſant encore une fois ; j’ay tort, je l’avoüe, luy dit il, de vous demander ce que je vous demande : & je merite la raillerie que vous me faites, pour ne vous avoir pas demandé d’abord, ſi ce Chaſteau eſt bien fortifié ; ſi le paſſage de cette Riviere eſt gardé ; & ſi ſelon les apparences, la victoire nous couſtera cher ? Mais Araſpe, l’amour eſt une paſſion ſi imperieuſe, que ſon intereſt va touſjours devant toute autre choſe, c’eſt pourquoy vous me devez excuſer. En ſuitte de cela, Araſpe luy dit que ce Chaſteau eſtoit dans un Bourg ſi grand qu’il en eſtoit foible : que la ſcituation en eſtoit inegale & irreguliere à tel point, par ſon exceſſive longueur, qu’à moins que d’y avoir ſix mille hommes bien reſolus à le garder, il ne ſeroit pas impoſſible de le prendre. Que la difficulté de cette entrepriſe eſtoit, qu’il n’y avoit que cinquante ſtades de ce Bourg à Artaxate, qui eſtoit la plus grande Ville de toutes les deux Armenies : & dans les Faux-bourgs de laquelle eſtoit alors tout ce que le Roy d’Armenie avoit de Troupes. Que de plus, comme ce Royaume