Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/32

Cette page n’a pas encore été corrigée

que Cyrus eſt le plus vertueux d’entre les hommes, & le plus Grand Prince du monde ; c’eſt à nous à le reverer, & non pas à le faire mourir. Enfin Seigneur, quand je ſonge à ce qu’il a fait pour vous ; quand je penſe qu’il a ſauvé la Capadoce en vous ſauvant la vie ; qu’il a tant gagné de Batailles ; tant aſſujetti de Rois ; tant pris de Villes : & que la ſuperbe Babilone qui aſpiroit à la Monarchie univerſelle, a eſté ſoumise par ſa valeur ; j’avouë que je ne puis comprendre par quel mouvement vous agiſſez : Vous, dis-je Seigneur, de qui nous avons touſjours admiré la prudence & la bonté. Mais, me direz vous, pourquoy le ſonge d’Aſtiage luy a t’il predit que Cyrus regneroit en Aſie ? Pourquoy cette Statuë qui repreſentoit un Amour, & qui demeura debout dans ce Temple, dont les fondemens furent ébranlez, marqua t’elle la fermeté de ſa domination ? Pourquoy ces lumieres r’aſſemblées ſignifierent elles que toute puiſſance ſeroit reünie en la ſienne ? Pourquoy le Soleil s’éclipſa t’il, pour reparoiſtre apres avec plus de lumiere & plus de ſplendeur qu’auparavant, ſinon pour faire voir que quand il auroit eſteint toute autre puiſſance, la ſienne ſeroit infiniment plus grande, que toutes les autres ne l’ont eſté ? Pourquoy me direz vous toutes ces choſes, ſinon pour marquer que c’eſtoit un Prince redoutable, dont la perte eſtoit a deſirer ; Non Seigneur, ne vous y abuſez pas : les Dieux donnent de l’eſperance, auſſi bien que de la crainte : ils font des promeſſes comme des menaces : & s’ils ont entendu