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Car enfin je Voyois qu’Alcidamie avoit un Cachet qui venoit de Polycrate : & je croyois aſſurément, que celuy qu’elle devoit donner à Meneclide, n’eſtoit que pour cacher la verité de la choſe : & pour la recompenſer en quel que ſorte, des ſervices qu’elle leur rendoit. De plus, ce ruban qui eſtoit demeuré entre les mains de Polycrate, & que je sçavois qu’il conſervoit ſoigneusement, augmentoit encore mes ſoubçons : & je n’avois pas un moment de repos. Il arriva meſme encore le lendemain une choſe qui m’affligea extraordinairement : & dont toute la Terre a entendu parler, comme du plus merveilleux cas fortuit, & de la plus grande marque de bonheur, que l’on ait jamais veû arriver à perſonne. Polycrate, deux jours apres cette belle feſte, s’eſtant levé aſſez matin avec intention d’aller à la Chaſſe : eſtoit ſur un grand Perron de Marbre qui eſt au milieu du Chaſteau, tout preſt de monter à cheval, lors qu’un vieux Peſcheur s’aprochant de luy avec un profond reſpect, luy preſenta un poiſſon qu’il avoit pris, d’une grandeur prodigieuſe : que deux autres Peſcheurs portoient, ſur une claye de joncs marins. Comme ce poiſſon eſtoit admirablement beau, & extraordinairement grand, Polycrate le regarda avec plaiſir : & faiſant magnifiquement recompenſer celuy qui le luy avoit offert, il monta à cheval, & fut à la Chaſſe, comme il en avoit eu le deſſein. Mais à ſon retour, un de ſes Officiers prenant la liberté de s’aprocher de luy, comme il vouloit rentrer dans le Chaſteau, luy preſenta le Cachet de Meneclide, qu’il avoit laiſſé tomber dans la Mer le jour de la Peſche : & quel on avoit retrouvé en accommodant ce merveilleux Poiſſon dont on luy avoit fait preſent : qui ſans