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Or je ne sçay comment Meneclide prenant cette Ligne, l’embarraſſa dans le ruban où elle portoit attaché au bras droit le Cachet que la belle Alcidamie luy avoit donné : mais je sçay bien que ſe dénoüant tout d’un coup, elle fit un grand cry : & que ſi Polycrate ne ſe fuſt baiſſé en diligence, & ne l’euſt repris, il fuſt tombé dans la Mer. Comme il l’eut encre les mains, il en teſmoigna beaucoup de joye, auſſi bien que Meneclide, qui l’aimoit infiniment, & pour ſa beauté, & pour la main qui le luy avoit donné : mais pour luy qui le conſideroit ſeulement, parce qu’il avoit eſté attaché au bras de Meneclide : il luy dit, au lieu de le luy rendre, qu’il le luy conſerveroit juſques à la fin de la peſche, de peur qu’elle ne le perdiſt. Et m’apellant alors, n’eſt il pas vray Leontidas, me dit il, que j’ay plus de droit à ce Cachet, que vous n’en avez au Portrait d’Alcidamie ? & que ſi je voulois, je pourrois ne le rendre point à la belle Meneclide ? car enfin vous avez trouvé cette Peinture en un lieu où elle n’euſt pas eſté perduë, quand vous ne l’euſſiez pas priſe ; mais ſi je n’euſſe heureuſement pris ce Cachet, il eſtoit aſſurément perdu pour toujours : & toute ma bonne fortune qui fait tant de bruit à la Cour d’Egipte, ne l’auroit pas fait retrouver. Seigneur (luy dis-je tout irrité, parce que je croyois qu’il n’aimoit ce Cachet, qu’à cauſe qu’il avoit eſté à Alcidamie) vous me fuſtes ſi contraire, lors qu’il s’agit du Portrait dont vous parlez : que j’aura y bien de la peine, malgré le reſpect que je vous dois, à vous eſtre favorable. Il faut donc, dit il, que ce ſoit la belle Alcidamie qui m’aſſiste : & qui perſuade Meneclide de me laiſſer joüir de ce qu’elle a penſé perdre. Seigneur, reprit elle cruellement pour