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luy dit elle encore, il n’eſt pas temps de railler, lors que j’ay à me pleindre d’une injuſtice que vous m’avez faite. Car enfin, adjouſta t’elle, vous n’avez pas encore ordonné a Leontidas de me rendre men Portrait. Policrate qui imagina quelque plaiſir, comme je j’ay sçeu depuis, à me voir en peine, luy reſpondit que c’eſtoit parce que ce ne devoit pas eſtre à la priere de Timeſias, mais à la ſienne, qu’il devoit accorder une choſe de cette nature. S’il ne faut que cela, dit elle, je vous ſupplie tres humblement de luy ordonner donc de me le rendre a l’heure meſme : je ne puis, dit alors Polycrate, que l’en prier ; car je ne ſuis pas ſon Maiſtre. Vous me pouvez commander toutes choſes, luy dis-je, mais pour celle là, elle ſeroit ſi injuſte, que je n’apprehende pas que vous me l’ordonniez. Et quelle injuſtice y a t’il, repliqua Alcidamie, à me rendre ce qui m’apartient ? En verité, dit la Princeſſe, vous y avez moins de part que Leontidas : car ne l’avez vous pas donné à Acaſte ? Ouy Madame, reprit elle, mais puis que je l’ay donné à Acaſte, il n’eſt pas à Leontidas. Pour moy, diſoit Polycrate, je trouve qu’Alcidamie n’a pas tort : & je trouve, adjouſta la Princeſſe Herſilée, qu’elle n’a pas grande raiſon. Car enfin Acaſte a ſi mal conſervé ſon Portrait, & Leontidas l’a ſi bien deffendu, qu’il me ſemble mieux entre ſes mains qu’entre les ſiennes. Ha Madame, luy dis-je, que je vous ſuis obligé, & quelles graces ne vous dois-je point rendre ! Durant que je la remerciois, & que je luy exagerois mes raiſons, pour me la rendre encore plus favorable je vy que Polycrate parloit bas à Alcidamie, & qu’il rioit avec elle. Il me ſembla meſme que depuis cela, je les vy ſous-rire une fois ou deux d’