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toutes les particularitez de ce démeſlé. Seigneur (luy dis-je tout deſesperé de ce que l’on alloit sçavoir que j’avois cette Peinture entre les mains ; & craignant que Policrate ne m’obligeaſt à la rendre) vous perdrez un temps que vous pouvez mieux employer à toute autre choſe : & il ſuffira que vous ſoyez ſeulement perſuadé que nous n’avons fait l’un & l’autre, que ce que des gens de cœur eſtoient obligez de faire. Mais quoy que je puſſe dire, Polycrate ſollicité par Timeſias, qui ſouhaitoit d’eſtre juſtifié du larcin de ce Portrait, voulut eſtre eſclaircy de la choſe, & ſe fit dire ce que c’eſtoit. Alors Timeſias le faiſant ſouvenir de la perte du Portrait d’Alcidamie (car toute la Cour avoit sçeu qu’il avoit eſté pris) le faiſant, dis-je, ſouvenir qu’il avoit eſté accuſé comme Amant d’Alcidamie, d’avoir fait ce precieux larcin, & qu’Alcidamie l’en avoit mal traitté : il luy dit en ſuitte, qu’il m’avoit veu ce meſme Portrait entre les mains ; & qu’il avoit ſeulement voulu sçavoir de qui je le tenois, pour ſe juſtifier aupres d’elle : sçachant bien que ce n’eſtoit pas moy qui l’avoit pris qu’il n’ignoroit pas que je n’eſtois pas encore à Samos quand il fut dérobé à Acaſte. Pendant le diſcours de Timeſias, j’eus des ſentimens bien differens : car j’eus une joye extréme de connoiſtre certainement par ce qu’il diſoit, que ce Portrait n’avoit point eſté donné à celuy qui l’avoit perdu : & je fus quelques moments, que ma jalouſie diminua d’autant que mon amour augmenta. Mais voyant en ſuitte avec quelle ardeur parloit mon ennemy, & que j’allois ſervir à ſa juſtification, & peut eſtre à le remettre bien avec Alcidamie, l’en eſtois deſesperé. Cependant apres qu’il eut ceſſé de parler, comme il ſembloit avoir