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les Belles dont vous entendez parler, ſont glorieuſes & fieres : & ne ſouffrent pas qu’on leur die de ſemblables choſes. Mais eſt il poſſible, luy reliquay-je, que toutes les Belles ſoient inexorables à Samos ? & n’y en a t’il jamais eu qui ayent ſouffert d’eſtre aimées ; qui ayent permis d’eſperer qu’elles aimeroient un jour, qui ayent donné leurs Portraits ; & fait pluſieurs autres choſes tres agreables pour ceux qui les reçoivent ? Je n’en connois point (dit elle, ne sçachant pourquoy je luy faiſois ce bizarre diſcours) & quand j’en connoiſtrois, leur exemple ne ſeroit pas ſuivi par Alcidamie. Mais enfin encore une fois Leontidas, deffaites vous de cette mauvaiſe habitude, ſi vous voulez que je vous accorde ma converſation. Alcidamie dit cela d’une façon qui me fit craindre qu’elle ne me banniſt : & quoy que ma jalouſie me perſuadast qu’elle n’eſtoit fiere envers moy, que pour eſtre fidelle à mon Rival, le dépit ne chaſſa pourtant pas l’amour de mon cœur : de ſorte que prenant la parole, Si ce n’eſt qu’une mauvaiſe habitude, luy dis-je, vous ſeriez injuſte de pretendre me l’oſter ſi toſt : c’eſt pourquoy je vous conjure de me donner quelques jours. Alcidamie qui eſtoit bien aiſe de tourner la choſe en raillerie, dit qu’elle m’accordoit la reſte du jour : mais je preſſay tant, & dis tant de choſes, que j’en obtins huit ; au delà deſquels je ne devois plus luy rien dire de trop galant, ny de trop paſſionné : me diſant touſjours en riant, qu’elle s’en pleindroit à Theanor, ſi je luy manquois de parole. Ce fut de cette ſorte qu’au lieu de parler de mon Rival, Alcidamie m’en parla : & qu’au lieu de bien deſcouvrir ſes ſentimens pour luy, je déclaray mon amour à Alcidamie.

En ſortant de chez la Princeſſe, je