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Apres avoir donc eſté tous deux quelques moments ſans rien dire : qu’avez vous fait de voſtre Amy, me dit elle, & d’où vient que Theanor n’eſt point icy, aujourd’huy que toute la Cour y eſt ? Cette demande que je n’attendois pas me ſurprit : & je ne pûs oüir le nom de mon Rival, de la bouche d’Alcidamie, ſans en changer de couleur : car enfin je m’eſtois bien preparé à luy parler de Theanor, mais je n’avois pas creû qu’elle m’en deuſt parler la premiere. Madame, luy dis-je, je l’ay laiſſé ſi melancolique dans ſa chambre, que je ne penſe pas qu’il ſoit preſentement d’humeur à chercher la converſation. Vous eſtes donc un mauvais Amy, dit elle en ſous-riant, de l’avoir quitté en cét eſtat. C’eſt que ſon humeur eſtoit ſi ſombre, luy dis-je, que ma preſence l’importunoit : & peut-eſtre meſme plus que celle de beaucoup d’autres n’euſt pû faire. En verité Leontidas, vous me mettez en peine, repliqua t’elle, car Theanor eſt un fort honneſte homme : & s’il luy eſtoit arrivé quelque grand malheur, l’en ſerois extrémement faſchée. Madame (luy dis-je, touſjours plus inquiet, plus curieux, & plus jaloux) comme il n’y a pas long temps que je ſuis à Samos, je n’y sçay pas encore bien les nouvelles du monde : mais pour vous qui les sçavez toutes, je m’imagine que vous n’ignorez pas le mal de Theanor, qui a mon advis, vient de quelque paſſion violente. Alcidamie qui creut lors que je luy voulois parler pour Theanor, changea de couleur ; & me regardant plus ſerieusement qu’auparavant, je n’ay point sçeu, dit elle, que voſtre Amy fuſt amoureux, & je ne penſe pas meſme qu’il le ſoit. Mais enfin Leontidas, s’il n’a point d’autre cauſe de ſa melancolie que celle là, je ne le pleins plus tant que je faiſois. C’eſt