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dont on joûiſſoit en noſtre Royaume, ne me pouvoit enſeigner : je quittay ma Patrie, & dans le choix des trois Partis, la reputation du vaillant Polycrate qui s’eſtoit fait Souverain dans l’Iſle de Samos, m’attira dans le ſien, quoy qu’il ne fuſt peut-eſtre pas le plus juſte : ſi ce n’eſt que l’on veüille dire, que le droit des Conquerans, ſoit le plus ancien de tous. Ainſi ç’a donc eſté dans cette Iſle fameuſe, & dans la Cour de cét illuſtre Prince, que mon amour a pris naiſſance, & que la jalouſie m’a ſi cruellement traité. La reputation de l’heureux Polycrate eſt ſi grande, que je n’ay pas beſoin de vous former l’idee de ce Prince, pour vous faire connoiſtre ce qu’il eſt, & quelle doit eſtre ſa Cour : je diray touteſfois en peu de mots, que la Juſtice à, la place de la Fortune, auroit eu peine à trouver en toute la Grece un homme plus accompli que celuy là, pour diſtribuer ſes faveurs equitablement : & pour le rendre parfaitement heureux, ſans donner ſujet d’en murmurer. Auſſi l’eſt il de telle ſorte, que jamais perſonne ne l’a tant eſté : il eſtoit nai Citoyen de Samos, & il eſt devenu Souverain ſans eſtre haï : il a toute l’authorité des Tyrans les plus abſolus, & il poſſede pourtant l’amitié de ſes Peuples, comme s’il en eſtoit le Pere : tous ſes deſſeins de guerre luy ont reüſſi : il s’eſt rendu redoutable, non ſeulement ſur la Mer d’Ionie, mais ſur route la Mer Egée : les plus Grands Rois font gloire d’eſtre ſes Alliez, & tous les Voiſins l’aiment ou le craignent : il eſt beau, de bonne mine, & de beaucoup d’eſprit : & d’humeur auſſi douce durant la paix, qu’il eſt fier durant la guerre. Vous jugez donc bien que la Cour de Polycrate doit eſtre agreable & galante ; puis qu’il eſt certain que pour l’ordinaire, tel qu’on voit eſtre le Prince, telle eſt ſa