Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/224

Cette page n’a pas encore été corrigée

amy. En diſant cela, elle deſcendit du Chariot, comme firent auſſi toutes ſes Amies : & ordonnant à un de leurs gens d’aller en diligence à la premiere Maiſon querir de l’eau pour me faire revenir de mon evanoüiſſement : Leontine s’aſſit charitablement aupres de moy, & me porta meſme la main ſur le bras, à ce que l’on m’a dit depuis, pour connoiſtre mieux en quel eſtat j’eſtois. Cependant celuy qui eſtoit allé querir de l’eau eſtant revenu, & m’en ayant jetté ſur le viſage, je revins à moy peu à peu. Mais Dieux que je fus ſurpris, de me voir en cét eſtat ! & de voir l’admirable Leontine vivante ; moy qui pendant ce long ſincope n’avois eu l’imagnation remplie que de ſa mort. Comme Polimnis vit que je revenois il s’approcha de Leontine ; qui ſe tournant vers luy ſe mit à luy demander ce qui pouvoit m’avoir cauſé cét accident : c’eſt vous inhumaine Parente, luy dit il, & alors il luy conta en peu de mots, la fauſſe nouvelle de ſa mort, & ma veritable douleur. Mais quoy qu’elle fiſt ſemblant de ne le vouloir pas croire : elle m’a pourtant fait la grace de me dire depuis, qu’elle en avoit eſté plainement perſuadée ; principalement par la maniere dont je la regardy quand je fus revenu ; par la confuſion que j’eus, de me voir en cét eſtat : & par cent choſes que je fis ou dis en cette occaſion. Mais enfin apres que je me fus bien aſſuré que Leontine eſtoit vivante, & que je l’eus remerciée du ſecours qu’elle m’avoit donné ; elle ne voulut pas que je remontaſſe à cheval : & faiſant preſſer toutes ſes Amies, elle me donna une place dans ſon Chariot, que je fus contraint d’accepter : car je ne me remis pas aiſément de ma foibleſſe, & de la douleur que j’avois euë. En nous en retournant à Thebes, j’apris