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concertée entre elle & moy. De ſorte que Philiſte n’en eſtoit pas deſabusée, & Steſilée ſe pleignoit aigrement, quand elle en trouvoit l’occaſion ; diſant que c’eſtoit une eſtrange choſe, que j’euſſe eu ſi peu de ſoing de ſa reputation, que je l’euſſe voulu ſacrifier pour une perſonne qui ne m’aimoit pas. Pendant ce temps la Philiſte d’autre coſté faiſoit tout ce qu’elle pouvoit pour me faire haïr Steſilée, bien qu’elle ne me vouluſt pas aimer : mais quoy qu’elle peuſt faire, je conſervay toujours beaucoup d’amitié pour elle. Il eſt vray que cela ne ſervit qu’aine perſecuter davantage : car j’eſtois deſesperé de voir que je luy cauſois quelque inquietude. Les choſes eſtoient en ces termes, lors que je reçeus un ordre exprés de m’en retourner à Corinthe : je vous laiſſe donc à juger en quel eſtat eſtoit mon ame. Je laiſſois une perſonne que j’aimois, & qui ne m’aimoit point : j’en abandonnois une autre qui m’aimoit un peu trop, & que je ne doutois pas qui n’achevaſt de me détruire dans l’eſprit de Philiſte pendant mon abſence. Mais par bonheur pour moy, le Pere d’Antigene ayant sçeu où il eſtoit, luy commanda ſi abſolument par une Lettre de s’en retourner, qu’il fut contraint de revenir à Corinthe, ce qui ne me fut pas une petite conſolation : non plus que la nouvelle que j’apris du retour d’Alaſis à ſa Patrie, qui devoit eſtre dans peu de temps : & j’en fis un grand ſecret à Antigene, car je l’avois sçeu par une voye aſſez détournée. Le Prince Cleobule me careſſa fort en partant : & la Princeſſe ſa fille qui eſt ſans doute une admirable Perſonne, me donna une Lettre pour la Princeſſe de Corinthe, qui ne m’eſtoit pas moins advantageuſe, que celle que je luy avois portée. Mais lors