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cœur la paſſion qui vous tourmente : car je ne doute pas que vous n’appellaſſiez ainſi, le remede qui vous gueriroit. Mais Philocles, pourſuivit elle, ne me laiſſez pas plus long temps en peine ; & dittes moy s’il vous plaiſt, comment je puis avoir contribué à la douleur que je voy dans vos yeux. Voſtre beauté, luy dis-je, eſt la veritable cauſe de ce que je ſoufre : Philocles, dit elle en ſous-riant, ſouvenez vous que vous parlez à Steſilée : je m’en ſouviens auſſi, luy dis-je ; & ſi elle n’eſtoit pas ſi belle qu’elle eſt, toute la Cour ne ſe ſeroit pas imaginé comme elle a fait, que l’en ſuis amoureux : Philiſte qui eſt aſſez glorieuſe ne l’auroit pas penſé : & Antigene ne l’auroit pas creû. Mais parce qu’en effet ſa beauté eſt extréme ; & qu’il eſt difficile de comprendre qu’on la puiſſe voir ſouvent ſans luy donner ſon cœur tout entier : on a creû que je l’aimois, & on le croit encore. Toute la Cour m’eſtime heureux d’avoir changé de chaines : Antigene s’en reſjoüit, & Philiſte en eſt en colere : car je l’avois en effet apris en allant chez Steſilée. Enfin, luy dis-je, la choſe en eſt venuë au point, que je ſuis forcé de me priver de la ſeule conſolation que j’avois, qui eſtoit ſans doute de vous entretenir ſouvent. Quoy Philocles, reprit elle toute ſurprise, parce que l’on dit que vous m’aimez, vous me voulez haïr ! Je n’ay garde, luy dis-je, d’eſtre capable d’un ſentiment ſi injuſte : car je vous eſtimeray toute ma vie : & mon amitié pour vous ne ſera pas moins ferme que mon amour le ſera pour Philiſte. Mais aimable Steſilée, comme vous n’avez eu la bonté de ſouffrir ma confidence que pour mon intereſt ; il faut encore que vous enduriez que je me prive de voſtre veuë par la meſme cauſe, afin de deſabuser Philiſte. Les