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Mais sçachez, pourſuivit elle toute en colere, que puis qu’Antigene n’eſt pas Philocles pour tout le reſte du monde, il le ſera pour Philiſte : & je ſuis bien trompée, dit elle, ſi quand il n’auroit pas toutes les qualitez que la Princeſſe de Corinthe attribuë au veritable Philocles, ma converſation ne les luy donne en peu de temps. J’en ay grand beſoin, luy dit Antigene, & ce n’eſt que par là que je puis pretendre à quelque gloire : Vous en eſtes deſja ſi couvert, luy dis-je, que je ne vous connois plus : mais enfin pour n’abuſer pas de voſtre patience, le reſte du jour ſe paſſa de cette ſorte : & apres avoir accompagné la Princeſſe juſques à ſa chambre, nous nous retiraſmes enſemble Antigene & moy, car nos Apartemens ſe touchoient. Mais nous nous retiraſmes tous deux ſans nous parler : & apres avoir eſté ainſi quelque temps dans ma chambre où il eſtoit entré : Vous reſvez ſans doute à voſtre gloire, luy dis-je Antigene : je penſe, me dit il, comment je pourray faire, pour ſoutenir le grand Nom que la belle Philiſte m’a donné : Mais vous, pourſuivit il en riant, ne me plaignez vous pas de me voir ſi chargé ? & ne voulez vous point m’inſpirer pour quelques jours ſeulement toutes vos bonnes qualitez, afin de ſauver l’honneur de Philiſte ? Philiſte, luy dis-je, a tant de gloire d’avoir connu voſtre merite comme elle a fait, & d’avoir peut eſtre encore conqueſté voſtre cœur, que je ne la trouve pas fort à pleindre : & Philocles auroit plus de beſoin du ſecours d’Antigene, qu’Antigene n’a, beſoin du ſien. Je voulois par ce diſcours obliger mon Amy à me deſcouvrir ſes ſentimens ; mais il ne le voulut pas : ſi bien qu’agiſſant à ſon exemple, je ne luy parlay plus de Philiſte.

Cependant admirez un peu je vous