Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/170

Cette page n’a pas encore été corrigée

luy dit la Princeſſe, ravie qu’elle n’euſt pas deviné) car vous ne pouvez pas faire qu’il le ſoit effectivement : & tout ce qu’il peut pour voſtre ſatisfaction, eſt qu’en effet il eſt digne de l’eſtre. Pleuſt aux Dieux Madame, reprit Antigene avec beaucoup de joye, que ce que vous ditte fuſt vray : & pleuſt aux Dieux, repris-je tout confus, n’eſtre point Philocles, & eſtre à la place d’Antigene. Jamais il ne s’eſt veû de ſentimens plus meſlez que je furent ceux de toutes les perſonnes de cette compagnie : la Princeſſe des Lindes eſtoit bien aiſe que Philiſte n’euſt pas deviné ; & elle eſtoit pourtant marrie & voir qu’il avoit paru quelque leger chagrin dans mes yeux. Philiſte de ſon coſté eſtoit faſchée qu’Antigene ne ſe nommaſt pas Philocles : & qu’on luy peuſt reprocher de s’eſtre trompée. Steſilée eſtoit fort ſatisfaite de ce que Philiſte n’avoit pas bien deviné : Antigene eſtoit ravy de joye, quoy qu’à ma conſideration il n’oſast le teſmoigner : mais pour moy je n’avois que de la confuſion & du deſpit. Cependant ces deux ſentimens qui ont accouſtumé de n’eſtre pas fort propres à contribuer quelque choſe à faire naiſtre & à entretenir l’amour, ſervirent pourtant à ma paſſion : & je creus d’abord que je ne me determinois à faire connoiſtre à Philiſte que je n’eſtois pas tout à fait indigne d’eſtre Philocles, que par un ſentiment de gloire : mais en effet ce fut par un ſentiment fort tendre & fort paſſionné. Belle Philiſte (luy dis-je avec un ſerieux qui paroiſſoit malgré moy ſur mon viſage) vous ne vous eſtes trompée qu’au Nom : eſtant certain qu’Antigene a toutes les qualitez du Philocles de la Princeſſe de Corinthe. Antigene (reprit mon Amy,