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de Cleobuline. Mais encore, dit alors la Princeſſe, qu’en croyes vous Philiſte ? & lequel des deux penſez vous eſtre cét homme ſi accompli, qui eſt univerſellement sçavant en toutes les choies agreables : & pour lequel voſtre curioſité vous a déja donné tant d’inquietude ? Comment voulez vous Madame, reprit elle, que j’oſe le nommer apres ce que vous dites ? & pourquoy voulez vous que je me face un ennemy de celuy que je ne nommeroy pas ? Vous ne ſongez pas bien à ce que vous dites, luy repliqua la Princeſſe ; car ſi vous ne dittes rien, vous les deſobligerez tous deux : & de l’autre façon, vous en obligerez du moins un. Pour moy, luy dit Antigene l’eſprit tout eſmeu, je ſuis fort aſſuré que quoy que vous diſiez, je ne ſeray jamais voſtre ennemi : car ſi je ſuis Philocles, je sçay bien que je ne ſuis pas celuy de la Lettre de la Princeſſe de Corinthe : & ſi je ne le ſuis pas, repris-je, je sçay bien auſſi que j’aurois tort de me pleindre de n’eſtre pas pris pour un autre. Non non, dit la Princeſſe, je ne sçaurois ſouffrir que vous parliez davantage : je ne veux point que vous aidiez à Philiſte à vous connoiſtre : elle de qui l’eſprit penetrant ſe vante quelqueſfois de deſcouvrir les ſentimens du cœur les plus cachez. Elle vous voit ; elle vous a entendu parler ; il n’en faut pas davantage. Reſpondez donc preciſément Philiſte, luy dit elle en nous montrant de le main, lequel eſt Philocles, de ces deux pretendus Philocles. Je ne sçay Madame (luy dit Philiſte, avec le plus agreable chagrin du monde) lequel eſt veritablement Philocles : Mais je sçay bien (adjouſta t’elle en ſe tournant cruellement pour moy vers Antigene) que je ſouhaite que ce ſoit celuy cy. Vous faites bien de le ſouhaitter (