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tout haut) car je vous amene deux Philocles au lieu d’un. En diſant cela, elle nous fit avancer Antigene & moy également : mais Philiſte faiſant l’eſtonnée ; deux Philocles Madame ! luy dit elle, ha cela n’eſt pas poſſible : & j’ay bien peine à croire qu’il y en ait ſeulement un en toute la Terre. Non non (luy dit la Princeſſe, qui nous avoit deffendu de rien dire qui peuſt apprendre à Philiſte lequel eſtoit veritablement Philocles) vous n’en ſerez pas quitte à ſi bon marché : car il faut que je voye ſi vous qui aimez tant la Peinture, vous connoiſſez effectivement en Portraits. C’eſt pourquoy, dit elle, je vous donne deux heures à connoiſtre lequel de ces deux illuſtres Eſtrangers, reſſemble au Portrait que je vous ay fait voir dans la Lettre de la Princeſſe Cleobuline. Vous sçavez qu’il eſt de bonne main, adjouſta t’elle, & qu’ainſi il ne peut manquer de reſſembler parfaitement : Mais Madame, luy reſpondit Philiſte, l’avez vous connu, vous qui voulez que je le connoiſſe ? Vous le sçaurez apres, repliqua t’elle ; & s’eſtant alors aſſise à la ruelle de Philiſte, elle voulut que cette belle Perſonne fuſt entre Antigene & moy. Je vous avouë que cette fille me charma d’abord, & par le grand éclat de ſa beauté, & par la maniere dont elle parloit : Je sçavois meſme deſja qu’elle ſouhaitoit de me voir : & le meſſage que j’avois entendu me flatta, & diſposa mon cœur à deſirer ardemment qu’elle ne priſt pas Antigene pour moy. Il me ſembla meſme qu’Antigene deſiroit au contraire, d’eſtre pris pour ce qu’il n’eſtoit pas : & nous eſtions tous deux ſi interdits, qu’à parler ſincerement, nous fuſmes quelques momens, que luy ny moy ne reſſemblions gueres le Philocles de la Lettre