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qui l’acompagnoit) vous avez donc reſolu que je parte ; que je m’eſloigne de vous ; & que je m’en eſloigne meſme ſans sçavoir s’il demeurera dans voſtre memoire quelque leger ſouvenir de Thimocrate ? Mais Madame, pourſuivis-je, Thimocrate ne partira pas de cette ſorte : l’affection qu’il a pour vous eſt trop violente, pour ſouffrir qu’il en uſe ainſi : & ſi vous n’avez la bonté de luy dire quelque choſe d’aſſez obligeant pour le conſoler des maux qu’il endurera en ne vous voyant pas, il ne partira point du tout. Je vous diray pour vous ſatisfaire, me repliqua Teleſile, que je pleins voſtre malheur ; que je ſuis au deſespoir d’en eſtre cauſe ; que voſtre abſence me ſera tres fâcheuſe ; & que je ſouhaiteray ardemment voſtre retour. C’eſt beaucoup Madame (luy dis-je avec une action tres reſpectueuse) mais ce n’eſt pourtant pas aſſez pour conſerver la vie d’un homme qui doit eſtre un Siecle eſloigne de vous. Je ne sçay pas, dit elle, ſi ce que je vous dis d’obligeant n’eſt pas aſſez pour vous : mais je ſuis perſuadée Thimocrate, que c’eſt un peu trop pour moy. Neantmoins je ne veux pas me repentir de ce que j’ay dit, reprit elle en ſous-riant : & je vous le rediray meſme encore ſi vous voulez. Pour ne vous donner pas la peine, luy dis-je, Madame, de faire deux fois un meſme diſcours, accordez moy la grace de dire quelque choſe de plus, que ce que vous avez deſja dit : & que voudriez vous dit elle, que je diſſe ? Je voudrois, luy repliquay-je, que l’adorable Teleſile, m’aſſurast, que l’abſence ne me deſtruira point dans ſon cœur : & que Menecrate, ni pas un de mes Rivaux, n’y occuperont jamais nulle place. Je vous promets le premier ſans ſcrupule, repliqua t’elle, & je vous permets d’eſperer l’autre, ſans crainte d’eſtre