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où Diophante la voudroit infailliblement marier bien toſt, & en un temps où elle avoit cent mille Amants ; j’euſſe voulu pouvoir reſſusciter Androclide, tout mon Rival qu’il eſtoit : & quand j’euſſe tué le plus cher de mes Amis, je n’aurois pas paru plus affligé que je l’eſtois, d’avoir tué mon Rival. Teleſile de ſon coſté, en eut une douleur extréme ; & par ſa bonté naturelle, & pour les dangereuſes ſuittes que ce funeſte accident pouvoit avoir. Cependant on me pourſuivit ; on me chercha : & ce fut en vain que mon Pere employa tous ſes ſoings & tous ſes Amis pour pouvoir calmer cét orage. Tout ce qu’il pût faire, fut de tirer les choſes en longueur, & d’empeſcher que l’on ne me condamnaſt pas ſi promptement. Comme le Conſeil des Amphictions eſtoit fini, j’avois moins de protection que s’il euſt encore duré : j’en eus neantmoins aſſez, pour faire que l’on ne me condamnaſt pas à la mort ; & mon Arreſt portoit que j’eſtois banni pour trois ans de toute la Phocide : à peine de perdre la vie, ſi durant ce temps là j’eſtois trouvé en lieu deffendu. Cét Arreſt de grace, fut pour moy un Arreſt de mort : car quand je venois à penſer à la joye qu’en auroient mes Rivaux ; combien j’avois travaillé pour eux ; & comment je m’eſtois deſtruit ; ma raiſon ſe troubloit, & je n’eſtois pas Maiſtre de mes ſentimens. Je diſois hardiment à Meleſandre, que je ne ſortirois point de Delphes ; que j’y voulois demeurer caché : & effectivement j’y fus encore plus d’un mois apres ma condamnation. Je sçavois durant ce temps là, que mes Rivaux voyoient tous les jours Teleſile, ſans que j’euſſe ſujet de me pleindre d’elle, parce qu’elle ne le pouvoit pas eſviter : & quoy que je sçeuſſe par Meleſandre qu’elle eſtoit