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prés de là, ayant ouï du bruit y accoururent, & furent eſtrangement ſurpris de cette prophanation. Car le lieu où nous nous eſtions battus, eſtoit de l’enceinte du Temple, quoy qu’il ne fuſt fermé que par une Baluſtrade : & la porte du Temple meſme eſtoit toute couverte de ſang ; parce qu’en tombant Androclide avoit gliſſé tout du long. On porta ce bleſſe à la maiſon la plus proche, où il ne fut pas pluſtost, qu’il donna quelques ſignes de vie : de ſorte qu’à force de remedes, il recouvra la parole, & alloüa la verité de la choſe à Menecrate ; & par conſequent mon action fut sçeuë telle qu’elle eſtoit par mes deux Rivaux : c’eſt à dire par deux teſmoins irreprochables. Androclide ſentant bien qu’il n’avoit plus de part à Teleſile, ne voulut pas ſe noircir par un menſonge : & Menecrate m’ayant l’obligation de luy avoir oſté un Rival, que Diophante preferoit à beaucoup d’autres : voulut auſſi m’en recompenſer par ſa ſincerité. Mais cela n’empeſcha pas que ce combat ne fiſt un grand bruit : Androclide avoit beaucoup de parens : le lieu où il avoit eſté bleſſé augmentoit le crime : la Pithie ſe plaignoit hautement le Peuple de Delphes diſoit que cela eſtoit de mauvais preſage : & dés qu’Androclide fut mort (ce qui arriva le lendemain au ſoir) je sçeus qu’il n’y avoit plus de ſeureté pour moy dans la Ville. Auſſi toſt apres le combat, je m’eſtois retiré chez Meleſandre : & la meſme nuit il m’avoit conduit chez un de ſes Amis, qui n’eſtoit pas un homme chez lequel aparemment on me deuſt chercher. De vous dire quelle fut ma douleur, quand je pus raiſonner ſans preoccupation ſur mon avanture, il ne me ſeroit pas aiſé : car quand je vins à connoiſtre qu’il faudroit m’eſloigner, & abandonner Teleſile, en un temps