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par une femme qui eſtoit à elle, que Meleſandre m’avoit aquiſe, & qui avoit ouï le diſcours que Diophante avoit fait à ſa Fille : de ſorte que deſesperé de mon malheur, je n’avois plus pour ma conſolation que la ſeule Teleſile : que je sçavois bien qui mépriſoit Androclide ; qui n’aimoit pas Menecrate ; & qui ne me haïſſoit point. Mais ſon extréme vertu me faiſoit pourtant craindre qu’elle ne fuſt pas capable de reſister au commandement abſolu de ſon Pere : car cette meſme Femme qui m’avoit adverti de ce que Diophante avoit dit, ne m’avoit point raporté la reſponse de Teleſile : diſant qu’on ne luy avoit pas donné loiſir d’en faire. Me trouvant donc en cét eſtat, je fus un ſoir chez Meleſandre, afin de refondre aveque luy, quel remede je pourrois trouver à un ſi grand mal : ſes gens me dirent qu’il ſe promenoit derriere le Temple des Muſes, à une grande Place qui y eſt. Je m’y en allay donc auſſi toſt : mais au lieu d’y rencontrer mon amy comme je l’eſperois, j’y trouvay Androclide qui s’y promenoit ſeul. Les gens de Meleſandre m’avoient dit ſi fortement que leur Maiſtre y eſtoit, que comme il eſtoit deſja tard, & que j’avois l’eſprit preoccupé, je creus que c’eſtoit luy. De ſorte que m’en aprochant, & bien, luy dis-je, Teleſile ſera touſjours perſecutée par l’avare Androclide : Androclide (me reſpondit il, m’ayant reconnu à la voix) perſecutera touſjours Teleſile, quand ce ne ſeroit que pour perſecuter Thimocrate. Et Thimocrate (luy repliquay-je fort ſurpris & fort en colere de voir que je m’eſtois trompé (ſe défera aiſément quand il luy plaira, des perſecuteurs de Teleſile, & des ſiens. En diſant cela, je portay la main ſur la garde de mon Eſpée : & Androclide ſans perdre temps, ayant tiré la ſienne &