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ce que j’avois eſperé : ſi bien que je m’en retournay à Delphes le plus ſatisfait de tous les hommes. Je sçeus meſme en y arrivant, que Crantor eſtoit mort ſubitement depuis un jour : de ſorte qu’apres avoir eſté chez moy, me mettre en eſtat de paroiſtre devant Teleſile, je fus chez elle pour luy faire une viſite de ceremonie. Mais je fus un peu ſurpris d’y trouver toute la Ville : & d’y revoir principalement tous mes anciens Rivaux, & meſme Androclide. Neantmoins comme la bien-ſeance vouloit que l’on rendiſt cette civilité à la condition de Diophante, en une occaſion de deüil ; je fis ce que je pûs pour croire, que la choſe en demeureroit là : & que tous ces Amans avares qui avoient abandonné Teleſile quand elle n’eſtoit plus riche ; n’auroient pas la hardieſſe d’oſer jamais luy parler de leur paſſion, apres une ſemblable laſcheté. Mais je fus bien trompé en mes conjectures : car auſſi toſt que les premiers jours du deüil furent paſſez, Teleſile ſe vit environnée & de tous ceux qui l’avoient quittée auparavant, & tous ceux qui meſme n’avoient pas encore penſé à elle. J’obligeay alors Meleſandre à parler à Diophante, pour luy dire qu’il devoit faire quelque diſtinction de moy aux autres pretendans de Teleſile : mais ſoit que ſe voyant en eſtat de choiſir, il ne vouluſt pas Se haſter, ou qu’il vouluſt ſe vanger de mon Pere ; il reſpondit biaiſant ſans rien conclurre, & me mit au deſespoir. J’avois pourtant la conſolation, de ne remarquer nul changement en l’eſprit de Teleſile : & de voir avec quel mépris elle traitoit tous ceux que ſa richeſſe pluſtost que ſa beauté, avoit rapellez. Mais pour mon mal heur, il revint en ce temps là à Delphes, un homme de grande qualité apellé Menecrate, qui en eſtoit ; qui avoit eſté tres