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d’ambition de cette eſpece, elle ne ſeroit pas long temps affligée, pourveû qu’ils ſe conſolassent. Cependant tous les Amans de Teleſile ſe trouverent un peu ſurpris : qui n’eſtoient pas riches, n’oſoient plus ſonger à eſpouser une perſonne qui ne la devoit plus eſtre, de peur de la rendre malheureuſe, & de ſe rendre malheureux eux meſmes. Joint qu’ils jugeoient bi ? auſſi, qu’elle n’y conſentiroit pas : eſtant bien moins déraiſonnable qu’une fille qui a beaucoup de bien, eſpouse un honneſte homme qui en apeu : que de voir deux perſonnes de qualité qui n’en ont preſques point du tout, ſe marier en ſemble. Mais pour Androclide, quelque riche qu’il fuſt, il trouvoit un grand changement en Teleſile, depuis qu’il y en avoit en ſa fortune : neantmoins comme il euſt eu honte de faire paroiſtre d’abord ſes ſentimens : & que de plus il avoit certainement autant d’amour pour Teleſile, qu’il eſtoit capable d’en avoir : il fut chez elle comme à l’ordinaire, où il trouva tous ſes Rivaux. Car jamais perſonne n’a eſté ſi bien conſolée, qu’elle le fut en cette occaſion : & quand elle auroit perdu tout ce qui luy eſtoit cher au monde, ils n’auroient pas paru plus empreſſez, à prendre part à ſa douleur. Mais à quelques jours de la leurs viſites devinrent moins frequentes : & entre les autres, Androclide diminua beaucoup des ſoins qu’il avoit accouſtumé d’avoir. Il ne luy parloit plus que de choſes indifferentes : & cherchant un pretexte à s’éloigner d’elle, il luy dit qu’il remarquoit que Diophante ſon Pere le ſalüoit froidement : & qu’il avoit meſme sçeu qu’il parloit mal d’Atalie, qui enfin eſtoit touſjours ſa Sœur. Androclide (luy dit Teleſile qui avoit deſja remarqué ſes veritables ſentimens) il n’eſt nullement beſoin d’un ſi