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mais il y trouva plus qu’il ne penſoit y trouver : car Teleſile y eſtoit, qui venoit d’y aprendre le mariage de Crantor. Or ce qu’il y eut d’admirable, ce fut qu’Androclide paroiſſoit beaucoup plus affligé que Teleſile ; de qui l’ame genereuſe ne s’ébranla point du tout en cette rencontre : & qui eut l’eſprit aſſez libre pour remarquer que la douleur d’Androclide n’eſtoit pas deſinteressée. Il s’aprocha d’elle tout interdit ; & la ſuplia de croire qu’il n’ayoit rien contribué au deſſein de ſa Sœur : & qu’il voudroit avoir fait toutes choſes, & que ce malheur ne luy fuſt pas arrivé. Je le croy, luy reſpondit froidement Teleſile, & je vous connois aſſez pour n’en douter pas. Mais Androclide, adjouſta t’elle, comme la belle Atalie voſtre Sœur eſt peut-eſtre plus aiſe d’avoir aquis les threſors de Crantor, que je ne ſuis affligée de les avoir perdus ; je trouverois plus juſte que vous allaſſiez vous reſjoüir avec elle, que de vous arreſter à vous affliger aveque moy : qui n’ay pas meſme beſoin de toute la force de ma raiſon pour ſupporter un ſemblable malheur : & qui par conſequent puis aiſément me paſſer du ſecours de la voſtre. C’eſt ſans doute, luy reſpondit Androclide, que je ſuis plus ſensible à vos propres maux que vous meſme : c’eſt aſſurément, repliqua t’elle, que vos inclinations & les miennes ſont differentes, & que par là nous ne voyons pas les choſes de meſme façon. Cependant Teleſile ne fit pas ſa viſite longue, & s’en retoua chez elle : où Diophante & Taxile eſtoient ſensiblement affligez, de la nouvelle qu’ils avoient appriſe : cette ſage Fille les conſola le mieux qu’elle pût : & quoy qu’elle ſentist cette perte, elle ne laiſſa pas de les ſupplier de n’en avoir pas tant de reſſentiment : les aſſurant pour elle, que comme elle n’avoit point