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deffaite, & qu’il avoit pris, comme je l’ay desja dit. Ordonnant au Heraut qui le devoit conduire, de dire à ce Prince, que ce vaillant Homme s’estoit si bien deffendu, & avoit tesmoigné tant de cœur dans sa disgrace, qu’il ne pouvoit se resoudre de luy donner le desplaisir d’estre prisonnier pendant une Bataille : ny se priver luy mesme de la gloire de le vaincre une seconde fois, si le bonheur luy en vouloit. Philidaspe l’entendant parler ainsi, & ne pouvant s’empescher de le contredire ; voulut luy representer qu’il vaudroit mieux ne se deffaire pas d’un homme qui pouvoit tousjours servir à quelque chose apres la Bataille, si le succés n’en estoit pas heureux. Si nous sommes vaincus, repliqua Artamene, nous n’aurons que faire de prisonniers, puis que nous serons, ou morts ou prisonniers nous mesmes, & que ceux que nous avons pris, feront delivrez malgré nous : & si nous sommes vainqueurs, aujousta-t’il, nous n’aurons que faire non plus, d’avoir des ostages entre nos mains, pour porter nos ennemis à ce que nous voudrons ; puis qu’eux mesmes feront sous nostre puissance. Toujours m’avoüerez vous, repliqua Philidaspe, que vous donnez un vaillant homme à nos Ennemis : il est vray, respondit Artamene, mais en leur en donnant un, nous en gagnons plusieurs qu’il faudroit laisser à garder celuy-là. Tant y a, Seigneur, que mon Maistre fit ce qu’il vouloit faire, & que Philidaspe se teût. Cependant le Roy de Pont & celuy de Phrigie furent étrangement surpris, lors qu’à la pointe du jour on les advertit dans leurs Tentes, que l’on entendoit de grands cris de joye dans l’Armée d’Artamene : & que mesme ceux qui s’en estoient aprochez, disoient y avoir remarqué quantité d’Enseignes