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charmé de la beauté, de l’eſprit, & de la civilité de la Princeſſe, luy dit qu’il ne garderoit ce qu’elle luy faiſoit l’honneur de luy confier, que pour le remettre en ſa diſposition, quand elle ſeroit arrivée à la Ville : & ſans la faire tarder davantage, il meſla ſa Troupe qui eſtoit tres magnifique, avec celle du Roy d’Aſſirie. Ce Prince marchoit ſeul, immediatement apres le Char de la Princeſſe : mais ſi paré, ſi brillant d’Or & de Pierreries, qu’excepté Artamene, je ne ny jamais d’homme de meilleure mine que luy. A l’entrée de la Ville, on fit une Harangue à la Princeſſe, ou pluſtost un Eloge : Toutes les Maiſons eſtoient tendués de ſuperbes Tapiſſeries : Toutes les ruës eſtoient ſemées de fleurs : Toutes les femmes eſtoient aux feneſtres extraordinairement parées : mille Trompettes & mille Clairons, faiſoient retentir l’air de toutes parts : & tout le Peuple eſtoit ſi ravy de la beauté de la Princeſſe ; & il en fit des acclamations ſi grandes ; que le Roy d’Aſſirie en eut une joye, qui ne ſe peut exprimer. Enfin Chriſante, nous fuſmes conduites au Palais de la Reine Nitocris : Comme la Princeſſe deſcendit du Char, le Roy d’Aſſirie vint luy preſenter la main, pour la mener à ſon Apartement : Elle euſt bien voulu le refuſer, mais elle creut que cela paroiſtroit bizarre & hors de propos. Ainſi elle luy donna la main ſans incivilité : mais ce fut pourtant d’une maniere ſi cruelle pour luy, & elle luy fit ſi bien connoiſtre que la ſeule qualité de Roy d’Aſſirie, exigeoit d’elle cette legere complaiſance, qu’il n’en fut gueres plus ſatisfait. Nous paſſasmes par plus de ſix Apartemens de plein pied, tous plus magnifiquement meublez les uns que les autres : & au dernier, il luy fit une profonde reverence : & luy dit que c’eſtoit d’oreſnavant à elle