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querelle ; je ne deſcendray alors du Char de Triomphe, que pour mettre à vos pieds, toutes les Palmes dont elle m’aura couronné. Ha Philidaſpe, luy dit la Princeſſe, j’aimerois mieux vous voir dans le Tombeau, que dans un Char de Triomphe, apres avoir vaincu le Roy mon Pere. Vous pouvez Madame, repliqua-t’il, empeſcher la guerre : & ces yeux, ces beaux yeux que vous me cachez avec tant de ſoing, ou que vous me monſtrez ſi irritez ; n’auront qu’à me regarder favorablement, pour me faire tomber les armes des mains. je n’aurois jamais fait, ſage Chriſante, ſi je vous rediſois tout ce que Philidaſpe dit : mais enfin la Princeſſe perdant patience ; & voyant qu’elle avoit parlé inutilement ; luy commanda d’une authorité ſi abſolue de ſortir de la Tente, qu’il luy obeït. Car il faut que je die cela à l’avantage de Philidaſpe, que quoy qu’il ſoit trés violent, & qu’il ait auſſi eſté capable de beaucoup de choſes violentes, il n’a pourtant jamais entierement perdu le reſpect qu’il devoit à la Princeſſe.

Apres qu’il fut ſorty nous demeuraſmes ſeules : Philidaſpe fit preſenter à manger à Mandane, mais elle n’en voulut point. Cependant nous n’eſtions pas en une liberté entiere : car quoy que nous ne sçeuſſions pas encore qu’Arianite euſt trahy ; il eſt touſjours vray qu’elle n’avoit nulle part à la confidence de la Princeſſe : & qu’en mon particulier, elle n’eſtoit pas de mes Amies. Ainſi ce n’eſtoit que des yeux que la Princeſſe me faiſoit connaiſtre, qu’en ce deplorable eſtat, elle ſe ſouvenoit d’Artamene. Elle paſſa tout ce jour qui eſtoit devenu la nuit pour nous, à ſe plaindre de ſon malheur, ou à prier les Dieux de le vouloir faire ceſſer. Comme le ſoir