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de la folie d’Artamene, que je ne puis vous l’exprimer. Car enfin en un moment j’ay veû cent choses que je n’avois point veuës : ou pour mieux dire, je les ay veuës d’une autre façon, que je ne les voyois auparavant. Vous souvient il, Martesie, du premier jour que je vy Artamene, apres qu’il eut sauvé la vie du Roy mon Pere ? ne vous sembla-t’il pas qu’il me regarda avec une attention extraordinaire & passionnée ? & qu’il ne considera presque point tant de belles personnes qui m’accompagnoient ? Ne vous souvenez vous pas encore, de la façon avec laquelle il me pria d’obtenir du Roy la permission de combattre ses Ennemis, & la maniere dont il prit congé de moy ? Ne le voyez vous pas encore, lors que je priay de ne prendre point d’Armes remarquables ? Ne voyez-vous pas, dis-je, de quelle sorte il me resista ; de quel air il me demanda l’Escharpe que je luy refusay ; & en quels termes il s’expliqua, lors que je luy dis que je voudrois qu’Artamene ne fust, ny trop prudent, ny trop temeraire ? Il ne m’est pas possible, Madame, me dit-il, que je puisse regler mes sentimens, à cette juste mediocrité que vous desirez. Ne vous souvient-il point aussi, poursuivit-elle, du jour que Philidaspe & Artamene se trouverent ensemble à me dire adieu ? Pour moy j’admire que je n’expliquay point mieux en ce temps là, les inquietudes que je vy sur son visage : Ne vous remettez vous pas encore, la joye qui parut dans les yeux du mesme. Artamene, à son retour ? & une certaine conversation que j’eus, & avec luy, & avec Philidaspe ? Mais sur toutes choses, dit-elle, vous souvenez vous quels furent les sentimens d’Artamene, lors que je voulus l’obliger à aimer Philidaspe ? Pour moy, interrompit Martesie, je