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les avoir prises en tremblant, & les avoir ouvertes en changeant de couleur ; elle fut esclaircie de tous ses doutes ; & elle aprit ce qu’elle n’eust jamais creû aprendre par Artamene. D’abord, il parut beaucoup de colere dans ses yeux : & mon Maistre eut la satisfaction de connoistre parfaitement, que Philidaspe n’avoit pas grande part au cœur de Mandane. je vous suis bien obligée, luy dite elle, de m’avoir advertie d’une chose si importante : mais aprenez moy de grace, tout ce que vous sçavez de ce dessein. Artamene luy conta alors, comment ces Tablettes estoient venuës en ses mains : & luy dit en suite, que s’il eust pû trouver Philidaspe, il auroit destruit la conjuration sans l’en advertir. La Princesse le remercia alors aussi civilement que le trouble où elle estoit le luy pût permettre : & ne pouvant assez s’estonner de cette avanture ; que Philidaspe, dit elle, veüille usurper un Royaume, par la force & par la trahison, comme je m’imagine qu’il en a le dessein je n’y trouve rien de fort extraordinaire : mais qu’un Amant commence de descouvrir son amour par un enlevement, c’est ce qui n’a jamais eu d’exemple ; & c’est ce qui vient à bout de toute ma patience. Moy, dis-je (adjousta-t’elle toute esmuë) qui ne pourrois pas me resoudre, de souffrit une declaration d’amour, du plus Grand Prince de la Terre : apres dix ans de services, de respects, & de soumissions. Artamene escouta ces paroles, avec beaucoup de douleur ; & craignant d’en entendre encore de semblables, il l’interrompit ; & luy demanda ce qu’il luy plaisoit qu’il fist ? je veux, luy dit elle, que vous me conduisiez chez le Roy, pour l’advertir de la chose ; & que vous ne m’abandonniez point, en un temps où vostre valeur m’est si necessaire.