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non seulement le lict, mais la Chambre, & seroit en parfaite santé. Il reçeut tout ce jour là, les visites de toute la Cour ; & envoya faire un compliment à la Princesse Mandane, qui le reçeut avec beaucoup de civilité, & le luy rendit de mesme. Ce fut pourtant d’une maniere, que quoy que mon Maistre se fist redire plusieurs fois parole pour parole, tout ce qu’elle avoit dit à celuy qui luy avoit parlé de sa part ; il n’y pût rien trouver qui fortifiast son esperance, ny qui deust aussi accroistre sa crainte. Le matin fut employe, à faire entrer dans Sinope, apres que chacun eut quitté le deüil, tout le butin & tous les prisonniers, que Philidaspe conduisit : & la Princesse qui estoit à une des fenestres du Chasteau, vit entrer toutes ces choses, & les regarda avec un esprit qui n’estoit gueres plus tranquile que celuy de mon Maistre. Le soir estant venu, le Roy de Pont fut conduit dans la Ville par ses Gardes, & mis en lieu de seureté : mais en passant sous les fenestres de la Princesse, il la vit à la clarté des flambeaux, & il en fut veû : ce qui donna de la pitié à Mandane, & de la confusion au Roy prisonnier. Artamene suivit d’assez prés le Roy de Pont : mais quelque secret que l’on eust pû garder pour son arrivée, afin de contenter sa modestie ; les Habitans de Sinope n’ayant pas laissé de sçavoir qu’il devoit entrer ce soir là, se tindrent dans les ruës avec des flambeaux allumez ; mirent des Lampes à toutes les fenestres ; & par des cris d’allegresse, & par l’abondance des lumieres, cette entrée de nuit ne laissa pas d’avoir quelque chose d’assez magnifique. Artamene estoit accompagné de tout ce qu’il y avoit de Grand à la Cour, qui le conduisit chez luy où le Roy l’attendoit : Mon Maistre fut pourtant moins heureux