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bien s’il la prendra, reſpondoit il, mais je sçay bien que les Chaſſeurs ne la prendront pas.

Comme les choſes eſtoient en ces termes, & que Creſus meſme qui aimoit paſſionnément le Prince Atys ne s’oppoſoit plus ſi fort au deſſein qu’il avoit d’eſpouser Anaxilée : il y eut pluſieurs ſignes prodigieux, par leſquels il paroiſſoit que ce jeune Prince eſtoit menacé de mourir d’un coup de Dard. Creſus fit auſſi un ſonge qui paſſa pour une aparition, parmi les gens qui ſe meſlent de connoiſtre de pareilles choſes : & qui luy fit voie le corps de ſon fils mort, & traverſé d’une eſpece de Javeline : avec tant d’autres objets funeſtes à l’entour de luy, affreux, & ſurprenans, que ce Prince tout Grand & ſage qu’il eſt, en fut eſtonné : de ſorte que d’abord toute la Cour en fut en trouble. Le Prince Atys n’en eut pourtant pas l’ame ébranlée, & n’interrompit pas ſa galanterie. Tout le monde eſtoit aſſez occupé à deviner par quelle voye ce malheur pouvoit arriver : car la paix eſtoit par tout le Royaume, & ce Prince n’eſtoit point haï. Ceux qui connoiſſoient l’humeur ambitieuſe d’Antaleon Frere de Creſus, apprehendoient qu’il n’y euſt quelque conjuration cachée : & durant quelques jours, on ne faiſoit autre choſe que parler de cette fâcheuſe Prediction. Creſus fit oſter de tous les lieux où il y avoit des Armes pendues dans ſon Palais, tous les Dards, & toutes les javelines : & ſelon l’ordinaire foibleſſe des hommes, qui croyent pouvoir empeſcher par leur prudence ce que les Dieux ont determiné de faire : il n’oublia rien de tout ce qu’il creût propre à conſerver le Prince ſon fils, qu’il regardoit comme l’unique ſuccesseur de ſes Eſtats : ne contant preſque pas le Prince Myrſile, à cauſe de ſon in commodité.