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que c’eſtoit un grand bonheur pour tous les gens de ſa voilée, & pour toutes les Belles qui pretendoient à faire des conqueſtes, que vous ne fuſſiez pas d’une condition à les en empeſcher, en aſſujettissant tous leurs Amants, & en leur faiſant rompre leurs fers pour prendre les voſtres. Et quoy, me dit-il, Cyleniſe, vous croyez qu’il n’y ait que les Rois & les Princes qui ayent des yeux pour admirer ce qui eſt beau, & des cœurs pour l’aimer ? Ce n’eſt pas ce que je dis, luy repliquay-je, mais c’eſt que les Filles de Rois ne pouvant recevoir d’autres cœurs, perſonne ne s’adviſe de leur en offrir. La beauté, dit— il, ſe fait des Sujets de toutes conditions : & comme la belle Anaxilée s’eſt fait un eſclave du Fils de ſon Souverain, les Reines peuvent ſe faire auſſi des Adorateurs de leurs Sujets. l’advoüe que j’écoutay alors ce que diſoit Cleandre, comme une choſe qui fourniſſoit ſimplement à la converſation : mais aujourd’huy que je me remets en la memoire l’air dont il me parla ; je voy ſa paſſion non ſeulement dans ſes yeux mais dans ſon cœur. l’en ſuis bien faſchée, dit la Princeſſe. Elle dit cela d’une façon qui fit en effet connoiſtre à Cyleniſe, que ſi elle euſt eſté ſeule qui s’en fuſt aperçeuë, & que Cleandre n’euſt pas ſoupçonné qu’elle en euſt eu connoiſſance, peut-eſtre n’auroit-elle pas eſté irritée contre luy : mais parce que le Prince Myrſile, Eſope, & Cyleniſe la sçavoient, elle ne la pouvoit plus ſouffrir : & elle prit la reſolution de traiter Cleandre fort rigoureuſement, quoy qu’elle l’eſtimast beaucoup : & qu’elle l’aimaſt ſans doute deſja un peu plus qu’elle ne le croyoit elle meſme. Cependant Cleandre qui ne sçavoit pas ce que la Princeſſe Palmis