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autre Frere qu’il avoit eu : & qui demandoit à eſtre purgé de ce crime, ſelon les Loix du Pais : qui ſont à peu prés égales entre les Lydiens & les Grecs. Comme ce Prince eſtoit admirablement bien fait ; de beaucoup d’eſprit, & que la cauſe de ſon banniſſement paroiſſoit pluſtost un malheur qu’un crime, Creſus le receut fort bien : & ſuivant l’uſage de Lydie, on le purifia dans le Temple de Jupiter expiateur : & apres cela, il parut à la Cour comme un Prince Eſtranger à qui l’on faiſoit beaucoup d’honneur : Creſus luy donnant dequoy ſubsister ſelon ſa qualité, & luy promettant meſme de taſcher de faire ſa paix, avec le Roy de Phrigie ſon frere. Il faut dire à la louange de Creſus, qu’il a fait une choſe que jamais Prince que luy n’a faite : qui eſt d’aſſembler plus de Threſors que perſonne n’en aura jamais, & d’eſtre pourtant le plus magnifique Prince de la Terre : eſtant en cela fort oppoſé au jeune Prince Mexaris ſon frere qui n’eſtoit gueres moins riche que luy, mais qui a touſjours eſté auſſi avare, qu’Antaleon ſon autre Frere a eſté ambitieux, & que Creſus eſtoit liberal. La Cour eſtant donc auſſi groſſe que je vous la dépeins, Eſope ſi connu par ces ingenieuſes Fables, qui cachent une Morale ſi ſolide & ſi ſerieuse, ſous des inventions naïves & enjoüées, y vint auſſi : & malgré la laideur de ſon viſage, & la difformité de ſa taille, la beauté de ſon eſprit & la grandeur de ſon ame parurent avec tant d’éclat à Sardis, qu’il y fut admirablement bien reçeu. Et afin qu’il y euſt de toute ſorte de gens à cette celebre Ville ; Solon, ſi fameux partes Loix, y vint encore : qui d’abord fut receu de Creſus avec tous les honneurs imaginables. Ainſi on peut dire, que jamais Sardis