Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/74

Cette page n’a pas encore été corrigée

amour, que je m’en repens : & que l’aime mieux mourir que de luy déplaire. Mais comment, repris-je, avez vous donc eu la force de pouvoit dire en ſa preſence que vous aimiez ? je n’en sçay rien, repliqua t’il, mais je sçay bien que je ne l’ay pas pluſtost eu advoüé, que j’euſſe voulu ne l’avoir pas dit. Car je me luis imaginé, qu’elle alloit d’abord connoiſtre mes veritables ſentimens, & que j’allois voir dans ſes yeux beaucoup de marques d’indignation : touteſfois un moment apres, j’ay connu avec beaucoup de douleur, qu’elle me croyoit amoureux, mais qu’elle ne ſoupconnoit pas que ce fuſt d’elle : de ſorte que j’ay ſouffert tout ce que l’on peut ſouffrir. Ne me demandez donc point, Soſicle, ce que j’ay voulu qu’elle creuſt, quand je luy ay advoüé que j’aymois, car je n’en sçay rien moy-meſme : mais je sçay bien qu’à moins que d’eſtre Roy, il y a de la folie à s’obſtiner d’aymer l’incomparable Palmis. Cependant quoy que je ne sçache pas ſeulement ſi je ſuis fils d’un homme libre, je l’aime. & je l’aimeray eternellement : & je ne puis meſme ſouffrir que le Prince Arteſilas en ſoit amoureux. Comme les choſes eſtoient en cét eſtat, il arriva à Sardis une augmentation de belle & agreable Compagnie : car le Prince Abradate ſecond fils du Roy de la Suſiane qui regnoit alors, & fils d’une Sœur de Creſus, que ce Roy avoit épouſée, y vint : & en meſme temps la belle Panthée, fille du Prince de Claſomene vaſſal de Creſus, vint auſſi demeurer à la Cour de Lydie, avec le Prince ſon Pere : de ſorte que l’on renouvella tous les divertiſſemens à leur arrivée. En ce meſme temps encore, on vit venir à Sardis un Frere du Roy de Phrigie nommé Adraſte : qui diſoit avoir tué ſans y penſer un