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s’il eſt vray qu’il aime quelque choſe. Comme la Princeſſe diſoit cela ; & qu’en effet pouſſée par un ſentiment dont elle ne sçavoit pas elle meſme la cauſe, elle ſouhaitoit paſſionnément de sçavoir ſi Cleandre aimoit, & qui il aimoit ; il entra dans ſa Chambre : de ſorte que voulant ſe divertir, contenter ſa curioſité, & remettre Cleandre tout à fait bien avecque le Prince, elle l’appella. Et comme il ſe fut aproché, Cleandre, luy dit elle, j’ay trouvé le Prince mon Frere ſi diſposé à vous redonner ſon amitié toute entiere, que j’ay eſté bien aiſe de vous dire promptement une nouvelle que j’ay creu qui vous ſeroit agreable. Mais j’ay mis une condition à cet accommodement, que je m’imagine que vous ne ferez pas difficulté d’obſerver. Je n’appelleray jamais, Madame, repliqua-til, d’un Arreſt que vous aurez prononcé : & je m’eſtime ſi criminel d’avoir deſpleu à un Prince pour qui je voudrois mourir, qu’il n’eſt point de punition que je ne ſouffre ſans en murmurer. Ce que je veux de vous preſentement, dit elle en rougiſſant malgré qu’elle en euſt, eſt que vous advoüiez au Prince mon Frere & à moy, s’il n’eſt pas vray que ce qui vous obligea à luy refuſer de feindre d’aimer Anaxilée, fut que vous craigniſtes de donner de la jalouſie à quelque belle Perſonne que nous ne pouvons deviner. Quoy Madame, répondit Cleandre fort ſurpris, vous sçavez aujourd’huy ce que le Prince vouloit vous cacher avec tant de ſoing dans le temps que j’eus le malheur d’eſtre contraint de luy refuſer ce qu’il ſouhaittoit de moy ! Ouy, interrompit Atys, elle le sçait : & c’eſt ce qui vous doit aſſurer que je ne reveleray voſtre ſecret à perſonne : car puis que je le luy ay dit, c’eſt une marque que je